Salut mes p’tit Sérifs* !
Vous lisez le numéro 7 des Groovy Letters (+ déjà 6 numéros bonus envoyés aux abonnés payants qui ont en plus reçu des cartes postales et des surprises dans leurs véritables boîtes aux lettres !) et je suis vraiment heureuse de pouvoir m’adresser à vous !
Ici on parle de lettrage, de créativité, de bon son et de joie, alors c’est parti !
J’ai assisté à une conférence la semaine dernière qui m’a donné envie de vous parler d’un sujet qui me tient à coeur : la lose. La bonne grosse lose qui nous colle aux pompes et qui n’a jamais l’air d’en avoir assez quand il s’agit de nous harceler.
🏆 Gemma O’Brien, le succès sans le chercher
Dans le petit monde merveilleux du lettrage, il y a des stars comme dans tous les petits mondes merveilleux. Et parmi elles, il y a des superstars dont Gemma O’Brien qui est une artiste en lettres (mais pas que), australienne, ultra talentueuse et tout à fait sincère dans sa démarche artistique.
Coup de bol phénoménal, elle était invitée à tenir conférence au Musée d’Art Moderne à Luxembourg, ce qui représentait une opportunité folle pour moi d’aller l’écouter et apprendre de son expérience.
Gemma nous a raconté comment elle avait toujours adoré peindre (en nous montrant sa première peinture, à 7 ans, représentant sa poule préférée, trop mimi) et comment la vie l’a menée là où elle en est aujourd’hui , c’est à dire à Londres en train d’étudier la neuroesthétique (si le sujet vous intrigue, cliquez sur le mot).
Elle a démarré des études de Droit mais en a vite changé pour étudier l’Art. Pendant son cursus, Gemma s’est passionnée pour la typographie et l’imprimerie, alors elle a commencé à travailler le lettrage. Elle a posté sur je ne sais plus quel réseau des photos d’elle en train de s’écrire sur tout le corps et ça a explosé. Sans le chercher, donc puisque les réseaux sociaux n’étaient pas franchement des forces de frappe à l’époque, elle ne pensait qu’à partager son projet rigolo avec ses amis.
Elle n’avait pas encore démarré sa vie professionnelle, elle était toujours étudiante, et elle était déjà sous le feu des projecteurs : au bon endroit (sur les réseaux sociaux) au bon moment (au moment de l’explosion desdits réseaux sociaux).
Alors bien sûr, ensuite c’est son travail, son talent et tout le bazar qui ont transformé l’essai et qui lui ont permis de devenir cette giga star qu’on connait dans le milieu.
Elle a bossé avec toutes les plus grandes marques dont Apple, Nike, Google…
Mais l’étincelle qui a tout allumé et qui a apporté l’attention sur elle est son travail, était purement fortuite.
🤔 De quoi rêve-t-on quand on a coché toutes les cases de sa liste d’envies ?
Professionnellement, Gemma nous l’a confirmé, elle a atteint tous les jalons dont elle aurait pu rêver en tant que designer : bosser avec les plus grandes marques, avoir son billboard sur Times Square, être exposée dans les plus grands musées…
Mais alors, de quoi a-t-on envie ensuite ?
Elle nous a confié que ses nouveaux vœux sont plus généraux :
apprendre de nouvelles choses
améliorer son savoir-faire
passer plus de temps à créer
rester libre dans sa pratique
Ce qui est relativement cocasse, parce que ce sont mes vœux à moi de maintenant, c’est à dire bien avant un quelconque succès.
💨 Et la lose dans tout ça ?
C’était une conférence assez complète, on a pu y voir un nombre impressionnant de réalisations, de vidéos, de murs peints, et même le journal d’artiste de Gemma qui contient les originaux de ses travaux ainsi que ses recherches sur une dizaine d’années (document fascinant s’il en est !).
Néanmoins, il y a un sujet qui n’a pas du tout été abordé et pourtant, je pense que c’est le sujet le plus important dans la vie d’un artiste (et même de tout être humain d’ailleurs), puisqu’il est bien plus présent dans nos vies que tout autre sujet : l’échec.
La bonne vieille lose, donc.
Je comprends bien qu’on était là pour célébrer une carrière et refaire le film de manière positive, mais est-ce que ça n’aurait pas fait beaucoup de bien à tous les auditeurs (d’autant qu’il y avait une large part d’étudiants en Art dans l’Auditorium) de s’entendre dire la vérité : oui, tu peux réussir, mais tu vas surtout énormément te planter.
Et quand on se plante énormément, ça devient difficile de déceler les mini-succès au milieu des plantades récurrentes. Il faut donc rester vigilant.
Est-ce que ça ne serait pas une excellente idée de tenir une liste de ses succès (qu’ils soient petits ou grands, d’ailleurs) ?
🪩 Avoir la lose flamboyante
Être mise de côté, ne pas être choisie, rester à la marge quoi qu’il advienne, ce sont des sujets qui me font réfléchir depuis très longtemps puisqu’ils m’occupent depuis tout aussi longtemps.
J’ai décrété à l’unanimité de moi-même qu’au lieu d’en souffrir systématiquement, je pouvais choisir d’avoir la lose flamboyante. Si jamais un succès arrivait, je l’accueillerai à bras ouverts, bien entendu, mais le reste du temps, je porte ma lose avec panache et je produis donc sans aucune pression, rien que pour moi, sans enjeu, puisque quoi qu’il arrive, ça va flopper monumentalement.
Et vous savez quoi ?
Parfois, j’ai tort !
Oui ! Parfois, ça marche. Mais toujours dans une sidération énorme et un étonnement toujours renouvelé ! Haha !
Je me demande toujours comment font ceux, parmi les élus au succès, qui perdent la tête, alors que je suis persuadée que dans la même situation, je ne cesserai d’être stupéfaite et donc de ne pas y croire vraiment.
Est-ce que ça ne serait pas une excellente idée de tenir aussi une liste de ses échecs (qu’ils soient petits ou grands, d’ailleurs) ?
😭 Alors on y arrivera jamais ?
Le truc, c’est qu’il faudrait déjà définir le succès… Le succès, ça pourrait être ce qu’on nous fait miroiter comme étant la reconnaissance et la fortune qui va avec.
Ou alors, on pourrait décider plus raisonnablement que le succès, c’est de pouvoir faire ce que nous seuls sommes capables de faire de la meilleure des manières possibles. Avec sincérité. Tout simplement.
Alors bien sûr : si on essaye de vivre de son travail, il y a de fortes chances qu’on se confronte à bien des refus et que le parfum de la lose nous chatouille les narines encore un moment.
MAIS ! Puisqu’on porte la lose magnifique avec panache, ça ne nous atteint pas pareil ! Bah non ! On propose quelque chose de différent, d’original : ça ne peut forcément pas faire l’unanimité. Ca clive et c’est très bien comme ça. Est-ce que pour autant ça remet en question la valeur de notre travail ? Mmmmmmh, peut-être mais pas forcément.
Est-ce que ça peut nous pousser vers l’avant ? Est-ce qu’on peut, à défaut de croiser le petit coup de pouce du destin qui nous mettrait sur la route du succès, profiter du succès qu’on va se créer sur mesure ?
📈 Notre propre échelle du succès
Si on s’observe avec les yeux de quelqu’un qui nous admire (il y a toujours quelqu’un pour nous admirer, forcément, et si on ne l’a pas encore trouvé, alors on peut se l’imaginer), on verra qu’on a déjà toutes les composantes du succès.
Quand j’allais voir Chilly Gonzales en concert et qu’on était 5 à l’applaudir dans une arrière salle de médiathèque, on ne peut pas dire qu’il était au summum de son succès… et pourtant, je le voyais avec les mêmes yeux admiratifs qu’aujourd’hui où, pour assister à ses concerts je dois m’y prendre à l’avance pour être sûre d’avoir une place tant il remplit de grandes salles prestigieuses rapidement.
Pourtant, je sais de source sûre qu’il a eu de grands moments de lose devant le succès relatif de certains de ses albums, qu’il a du faire la paix avec l’idée qu’il n’était connu que pour ses albums de solo piano alors qu’il mettait du cœur à ses autres albums qui lui ressemblent plus et qui faisaient pourtant moins l’unanimité au moment de leur sortie.
Si j’étais Chilly Gonzales, je serais déçue moi aussi. Mais si je reste à ma place d’admiratrice et que j’observe sa trajectoire du succès, je ne vois aucune différence entre mon admiration pour lui au tout début et maintenant. Je l’admire pour son talent, son intelligence de la composition, de l’entertainment, de sa compréhension du monde culturel, et puis voilà. Que ses albums floppent ou fassent un carton : pour moi, ça ne change rien.
✨ On peut être une personne pour qui rien ne semble marcher et pour autant être inspirant tout de même. ✨
Pour moi, la lose majestueuse, c’est surtout partir du principe que certes, je ne rentrerai pas facilement dans les cases parce que je ne suis pas mainstream, que je suis toujours en décalage, que je ne suis pas parfaitement dans l’air du temps, que je ne suis pas les tendances, mais que je m’en fous puisque ce qui m’occupe c’est d’être moi-même et de faire ce que moi seule peut produire, sans concession. Certes c’est pas taillé pour le succès, et alors ?
Lors de son dernier concert à la Philarmonie de Luxembourg, Gonzales nous a justement dit “À tous les créatifs dans la salle : efforcez-vous toujours de faire ce qui vous est le plus personnel et singulier.”
Non seulement je suis complètement d’accord, mais en plus, je m’aperçois qu’avec le temps, c’est vraiment devenu ma définition du succès.
Ça n’évite pas les déceptions, mais hé, on est humains, hein ! De temps en temps, on aimerait bien faire partie du club à qui tout sourit ! Évidemment !
Mais dans le fond, même si on a une seule personne intéressée par ce qu’on fait, c’est déjà un succès !
Pour résumer : aux antipodes de ceux qui vous promettent de “multiplier vos abonnés grâce à ces 10 conseils efficaces !” ou encore de “doubler votre chiffre d’affaires avant la fin de l’année”, je vous propose d’endosser la cape de la lose majestueuse et de vous faire confiance. Creusez ce sillon que vous seuls pouvez creuser. Offrez-vous (et au monde !) ce que vous avez de plus singulier, de plus particulier, et vous aurez fait de votre vie un succès.
Et si vous voulez, on peut même en discuter gratuitement, sans coaching à 200 € la séance 😉 (attention, cette offre n’a aucune limite dans le temps !)
🎧 Aujourd’hui, on écoute : “Oregano/Dot” par Chilly Gonzales
Probablement la fameuse version que j’ai entendue la toute première fois qui m’a laissée assommée debout dans mon salon. C’était donc en 2006 (j’avais 29 ans) et je vous ai calé la vidéo au bon moment, mais si ça vous plaît, faites-vous tout le concert !
🚀 Songs Discovery, épisodes 19 à 25
Bref résumé pour ceux qui auraient loupé les premiers épisodes : sur Instagram, les lundis à 14h en story (et dans la soirée en post sur mon profil) je présente un lettrage que j’ai dessiné sur un extrait de chanson pour vous faire découvrir ladite chanson qui se retrouve sur une playlist YouTube et une playlist Deezer qui s’étoffent donc de semaine en semaine et que je vous invite à aller écouter pour danser et groover comme jamais (il y a maintenant environ 1h30 de musique !).
J’ai fait une pause pendant le mois d’octobre pour participer au Lettering Style Challenge d’Aurelie Maron qui consiste à dessiner chaque jour un lettrage selon un style défini par la liste d’Aurelie. Vous pouvez voir ça sur mon Instagram ou alors dans une prochaine Newsletter 😉
Episode 19 : “I Feel like Dynamite” de King Floyd, une chanson découverte 2 jours avant de la dessiner mais qui s’est tout de suite imposée comme un hymne de la bonne humeur ! Ça motive un max !
Episode 20 : “You Ain’t The Problem” de Michael Kiwanuka. C’est un artiste dont la musique me touche beaucoup et cette chanson nous dit un truc fondamental : le temps guérit la douleur.
Episode 21 : “Everybody Loves the Sunshine” de Roy Ayers. Une incartade par le monde du Jazz mais version groovy. C’est complètement délicieux et l’album “Ubiquity” sur lequel est cette chanson est un bonbon. Succès garanti en choix de disque du dimanche matin pour mettre la banane en douceur.
Episode 22 : “Gotta Get Up” de Harry Nilsson. Sans doute une de mes chansons préférées d’Harry Nilsson qui compte une discographie impressionnante de talent qui justement n’a pas vraiment rencontré le succès qu’il aurait mérité. Le gars était tout de même le meilleur pote de Ringo Starr entre autres, mais quand on l’écoute, on n’est pas très étonné.
Episode 23 : “I Just Want to Celebrate” de Rare Earth. Un groupe que j’adore, pour son côté groove et rauque à la fois. Cette chanson est au générique des Expendables de Stallone ! Haha ! C’est dire si c’est testotéroné, mais ça pousse à l’action !
Episode 24 : “To Fly Away” de Godley and Creme. Une balade rock aux harmonies planantes comme je les aime. Un duo bien intéressant : ils faisaient partie de 10CC et puis ils ont décidé de quitter le groupe pour développer un appareil qui s’appelle le Guizmotron qui proposait d’équiper les guitares pour les faire sonner comme si les cordes étaient jouées à l’archet. Foufou !
Episode 25 : “In The Rain” de The Dramatics. J’ai toujours eu un truc pour les chansons qui parlent d’orage et de pluie (et de trains, mais c’est une autre histoire, hihi !). The Dramatics, c’est la classe d’une époque révolue, mais qui fait du bien par où ça passe.
🧑🎨 Créons, jouons !
Pour conclure, on se quitte sur une idée créative comme d’habitude ! Alors voici ce que je te propose pour embrasser ta lose de la plus majestueuse des façons possibles :
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🤔 Pense à ta dernière déception, ton dernier refus…
✍️ Écris une ou deux phrases sur les raisons qui font que - selon toi - tu n’as pas réussi ou tu n’as pas été choisi.e.
🌈 Maintenant, en loser magnifique, imagine le projet que tu pourrais mettre en œuvre toi-même pour rendre possible un projet encore plus dingue que celui qui t’est passé sous le nez… peux-tu le concrétiser ? Si oui, fonce, sinon, fais-en un texte ou un dessin !
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Merci de m’avoir lue !
Je me réjouis de vous retrouver bientôt, ici ou là, pour de nouvelles aventures créatives !
N’hésitez pas à me répondre : c’est chouette les correspondances, ça sent les vacances 😊🍹
Céline ⭐
*Le Sérif (ou empattement) est une ligne ajoutée à chaque extrémité des caractères. Son origine est inconnue. Une théorie suggère que les empattements proviendraient de la trace laissée par l’outil (plume, pinceau, etc.) lorsque la main s’élève en achevant le geste d’écriture. Les copistes ont ensuite différencié leur style personnel en structurant ces marques, qui sont devenues plus petites, plus systématiques et artistiques. (définition donnée par Adobe dans “La typographie pour les débutants”). En gros, le serif, c’est ce qui donne toute la personnalité à une lettre, quoi !
Merci pour ta newsletter ❤️ je me reconnais bien, spécialiste pour se lancer au moment des crises 😅. J'ai terminé mon premier roman jeunesse la veille du premier grand confinement, et j'ai voulu me lancer en illustratrice jeunesse au moment de la crise du papier. 🥲 Après au niveau personnel j'ai coché pas mal d'accomplissement ( non rémunéré) qui font que certains considèrent que j'ai réussi même si je n'ai pour l'instant pas atteint les buts que je m'étais fixé 😊