Salut mes p’tit Sérifs* !
Vous lisez le numéro 4 des Groovy Letters (+ déjà 2 numéros bonus envoyés pour les abonnés payants qui ont en plus reçu des cartes postales et des surprises dans leurs véritables boîtes aux lettres !) et je suis vraiment heureuse de pouvoir m’adresser à vous !
Ici on parle de lettrage, de créativité, de bon son et de joie, alors c’est parti !
🔎 La curiosité est un merveilleux défaut
Je vais faire un numéro de mentalisme là tout de suite maintenant à travers le temps et l’écran pour tâcher de vous percevoir intimement.
🔮 Je vois… je vois… que votre curiosité est au taquet ! Il ne passe pas une journée sans que vous n’ayez envie de fouiller sur internet ou dans un bouquin pour en apprendre plus sur tel petit bidule qui vous a tapé dans l’œil ou dans l’oreille et que vous ne connaissiez pas encore, ou alors, pas encore tout à fait.
Je le sais, parce que c’est sans doute une des raisons qui vous a mené à lire précisément cette lettre : votre curiosité !
Je ne pense pas me tromper en disant que vous faites partie de ces personnes qui sont trop heureuses d’apprendre sans cesse des tas choses sur des tas de sujets. Et si j’en ai l’intuition, c’est que je suis absolument pareille et je suis certaine que c’est en partie ce qui nous relie 😊
C’est donc très pratique pour moi parce que je n’ai aucunement besoin de vous convaincre des bénéfices de la curiosité, vous en savez sans doute déjà à peu près tout.
Par contre, je peux m’appuyer sur ce fabuleux superpouvoir qui est en vous pour vous intéresser à cette idée qui me trotte en tête à l’instant où j’écris ces mots.
Et si, pour jouer avec sa curiosité, on tentait de penser autrement.
Qu’est-ce que ça donnerait si au lieu d’aller vers quelque chose qui nous attire naturellement, on allait vers la seule chose qui n’attire pas notre attention ?
Un exemple : l’autre soir, je suis tombée nez à nez avec une très grosse araignée qui se promenait dans mes toilettes. Je lui ai bien sûr laissé la priorité pour m’en éloigner le plus vite possible, parce qu’il y a des phobies qu’on a du mal à contrôler, mais que malgré tout, j’ai beaucoup de respect pour ces créatures. Donc voilà, j’ai décidé en toute cohérence de lui laisser profiter de la pièce (on a tous le droit à notre intimité) en lui souhaitant une bonne nuit.
Et pourtant, aussi curieuse que je sois, à aucun moment je ne me suis dit “Tiens, et si je faisais une recherche pour savoir de quelle espèce est cette araignée ? Ça serait pas génial que j’en dessine 10 dans mon carnet de croquis ?” parce que j’étais surtout pressée d’oublier ce moment pas très glorieux pour mon amour propre.
Bon, c’est peut-être un peu raide de démarrer tout de suite par faire une obsession joyeuse d’une phobie. Mais reconnaissons que ça serait plutôt rigolo de passer d’une peur irrationnelle à la passion la plus incontrôlable ! Parce que vous je ne sais pas, mais moi quand je mets le doigt dans le pot de confiture de la curiosité, pour peu que je tombe sur de la gelée de groseilles, j’en fais une passion instantanément et la compulsion devient inévitable.
Oui, ça serait vraiment marrant que je passe de l’évitement arachnoïde à la collection de mygales (vivantes, hein, évidemment, je vous ai dit que je respectais beaucoup ces créatures). Et ça arrivera sans doute. Si, plus tard. Dans longtemps. Un jour de désœuvrement ou d’ennui très lourd. Ou dans une autre vie ! Mais tout est possible.
En attendant, passons à un exemple plus évident à mettre en place au quotidien que de combattre une terrible phobie paralysante (j’en ris aux larmes, parce que oui, effectivement, merci, c’est une bonne idée d’y aller crescendo en démarrant par des objectifs réalistes).
Prenons, par exemple, un interrupteur. Ça fait déjà beaucoup moins peur qu’une araignée, un interrupteur, et à moins d’être électricien ou décorateur d’intérieur, il est fort peu probable que vous ayez déjà développé une passion pour les interrupteurs (dans le cas d’une interruptophilie aigüe, merci de bien vouloir faire semblant que vous y êtes indifférent pour le bon déroulé de cette présentation).
Donc, disais-je : si les interrupteurs vous laissent indifférents, est-ce que ce ne serait pas le signe qu’il est temps de vous y intéresser ?
Il y a tant à apprendre :
Qu’est-ce qu’on peut bien apprendre sur ce petit dispositif qu’on utilise tant de fois par jour, sans même réaliser à quel point ses occurrences, formes et couleurs, sont variées et si bien pensées ?
Y a-t-il une histoire des interrupteurs ?
Existe-t-il un musée de l’interrupteur ?
Si ça devenait ma nouvelle passion obsessionnelle, est-ce que je pourrais designer de nouveaux interrupteurs novateurs ?
Quelles sont les matières qu’on a encore jamais utilisées pour créer un interrupteur ?
Vous pensez bien que j’ai trouvé un paquet de réponses à toutes ces questions (la curiosité m’a poussée à y regarder de plus près, évidemment !), mais que je vous laisse faire vos propres recherches parce que c’est la meilleure partie : fouiller.
Mais où donc cela nous mène ? C’est précisément ce qui est passionnant avec la curiosité : on sait d’où l’on part, mais on ne sait pas où on va.
Par contre, on sait à peu près quand on est arrivé à une étape qui nous plaît (voire à destination parfois) parce qu’alors, on a envie de concrétiser quelque chose par rapport à notre nouveau savoir.
🔧 La curiosité comme outil de créativité
Quand on cherche, on trouve, toujours.
En tirant sur les fils de la pelote “interrupteur”, j’ai découvert que l’inventeur était un anglais nommé John Henry Holmes. Grâce à lui, la face du monde moderne a changé, vraiment. C’est donc tout naturel qu’on tienne à lui rendre hommage.
Vous connaissez Legrand, la marque d’interrupteurs ? Celle qu’on trouve largement dans les magasins de bricolage aujourd’hui. Figurez-vous qu’ils utilisent Twitter et qu’ils ont, apparemment, des succursales partout autour du monde.
C’est ainsi qu’un jour, un graphiste chez Legrand a posté ce montage sur Twitter pour célébrer le père fondateur sans lequel ils n’existeraient pas :
L’information et la photo sont exactes. Il n’y a guère que l’interrupteur qui ne soit pas tout à fait correct historiquement mais bon, on va pas chipoter.
Et puis, plus tard, toujours chez Legrand, ils décident de rendre un nouvel hommage à ce bon vieux John Henry.
Vous vous dites peut-être qu’un moustachu en vaut un autre ? Pas vraiment en fait, puisque cette fois ils ont utilisé la photo de Henry Howard Holmes, un américain. Rien à voir avec notre John Henry, anglais !
Et c’est pas tout : c’est pas n’importe quel américain de la fin du 19è siècle… c’est le premier tueur en série américain et sans doute le pire tueur en série de tous les temps (il a avoué 27 meurtres mais en aurait commis 200 sur fond d’Exposition Universelle).
Une histoire tellement dingue que Scorcese et DiCaprio ont un projet de film à ce sujet, “The Devil in the White City”, tiré du roman éponyme, qui est en route depuis une bonne grosse dizaine d’années. Ce projet est ce qu’on appelle communément dans le jargon du cinéma un “projet maudit”. Ça a capoté pour plein de raisons un nombre incalculable de fois et ça a fini par devenir un projet de mini-série avec Keanu Reeves qui, finalement, a lui aussi été annulé.
Il reste le roman dont DiCaprio a acheté les droits, qui a été un bestseller aux States.
Et voilà où nous a mené notre chasse aux interrupteurs… Au final c’est bien plus effrayant que la grosse araignée dans mes toilettes !
Alors on fait quoi avec tout ça ? On en profite pour prendre une leçon de titrage d’affiche de film noir et on fait un dessin, pardi !
Un peu de boulot sous Procreate (logiciel de dessin disponible sur l’iPad), quelques ajouts de texte sur Illustrator et voilà où m’a menée ma curiosité aujourd’hui : dessiner une couverture de roman noir, moi qui ne lit quasiment que de la Science Fiction et qui fuit dès qu’on s’apprête à me raconter une histoire qui fait peur.
Autrement dit, on est far, far away from my comfort zone.
Afin d’assouvir votre curiosité, je vous montre les différentes étapes de création de ce dessin :
1 - J’ai dessiné le cadre global de l’image, comme sur la couverture qui sert de modèle et puis j’ai esquissé des carrelages et des nuages pour rester dans l’esprit. Enfin, j’ai placé à grands traits les lettres de mon titre.
2 - J’ai ajouté la graisse sur les lettres : les pleins et les déliés.
3 - J’ai commencé à tracer les lettres définitivement.
4 - Après avoir corrigé les petites choses qui me chiffonnaient, j’ai ajouté l’araignée et une ombre portée sous le lettrage.
Pour les non-bilingues, je traduis le titre “The spider on the cold tile” (encore un roman que j’ai envie d’écrire ! argh !) : “L’araignée sur le carrelage froid”.
🎧 Aujourd’hui, on écoute : The Incredible Bongo Band
Ce groupe n’en est pas vraiment un. Il a compté un grand nombre de musiciens dont John Lennon et Ringo Starr qui sont venus poser quelques sons (mais lesquels ? mystère !).
Créé à l’origine pour enregistrer une BO de film dont les 45 tours ont fait des succès, il n’en a pas été tout à fait de même avec les 2 albums qui ont suivi.
Pourtant, Dj Kool Herc a entendu la reprise ultra vitaminée d’”Apache” avec ses bongos en furie et a décidé d’acheter le disque en double exemplaires pour le sampler… le reste, c’est juste le début de l’histoire du Hip Hop !
🚀 Songs Discovery, épisodes 6 à 8
Bref résumé pour ceux qui auraient loupé les premiers épisodes : sur Instagram, les lundis à 14h en story (et dans la soirée en post sur mon profil) je présente un lettrage que j’ai dessiné sur un extrait de chanson pour vous faire découvrir ladite chanson qui se retrouve sur une playlist YouTube qui s’étoffe donc de semaine en semaine.
Episode 6 : “Mother Freedom” de Bread, une chanson plus rock que les autres de la playlist qui me fait ressentir le vent dans mes cheveux !
Episode 7 : “Disco Fever” de Archie Bell & The Drells, parce qu’on a absolument besoin de disco ! À écouter à fond les bananes, sans aucune forme de modération.
Episode 8 : “Express Yourself” de Charles Wright and The Watts 103rd Street Rhythm Band. Je suis certaine que vous connaissez tous cette chanson, ce n’est donc pas tout à fait une découverte, mais elle méritait vraiment de faire partie de la liste parce qu’elle est parfaite en tous points : elle donne la frite et elle envoie de la motivation pour plusieurs jours !
Créons, jouons !
Et pour finir, on ne se quitte pas sans une idée créative à explorer :
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📻 Puisqu’aujourd’hui on suit sa curiosité là où elle ne s’éveille pas au naturel : ouvre un magazine et choisis le sujet qui t’intéresse le moins (le livre qui t’attire le moins, le titre de film qui t’attire le moins, la chronique qui ne te passionne absolument pas…)
🖼️ et fais-en un dessin !
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N’hésite pas à m’envoyer le résultat de ton exploration !
Merci de m’avoir lue !
Je me réjouis de vous retrouver bientôt, ici ou là, pour de nouvelles aventures créatives !
N’hésitez pas à me répondre : c’est chouette les correspondances, ça sent les vacances 😊🍹
Céline ⭐
*Le Sérif (ou empattement) est une ligne ajoutée à chaque extrémité des caractères. Son origine est inconnue. Une théorie suggère que les empattements proviendraient de la trace laissée par l’outil (plume, pinceau, etc.) lorsque la main s’élève en achevant le geste d’écriture. Les copistes ont ensuite différencié leur style personnel en structurant ces marques, qui sont devenues plus petites, plus systématiques et artistiques. (définition donnée par Adobe dans “La typographie pour les débutants”). En gros, le serif, c’est ce qui donne toute la personnalité à une lettre, quoi !