Salut mes p’tits Sérifs* !
Je constate régulièrement que quand je me présente en tant que créative, on me répond fréquemment : “Ah, moi je pourrais pas, j’ai pas d’idées !”. Ce qui me laisse toujours perplexe sur le sens qu’on donne au mot “créatif”.
Je peux assurer que personne n’est épargné par la créativité.
Alors certes, quand c’est ton métier, tu finis par être plus efficace dans la production d’idées, mais c’est juste parce que ton muscle créatif est entraîné, voilà tout.
Dernièrement, on m’a raconté l’histoire d’un prof de maths qui expliquait que ce qui le rendait heureux, c’était de faire de ses élèves de futurs adultes débrouillards qui comprenaient, en résolvant toutes sortes de problèmes de maths, que dans la vie, ils pouvaient faire pareil : t’as un problème ? T’inquiète ! Fais marcher tes neurones et tu vas trouver la solution 🏆
Cette histoire est une bonne illustration de ce qui provoque le mieux la créativité selon moi, à savoir : la contrainte.
⚖️ Embrasser l’équilibre
On a une image de l’artiste, voué tout entier à la création, les cheveux au vent, l’âme grande ouverte (et sans doute la chemise aussi), en connexion directe avec les éléments, nimbé d’une lumière divine qui descend sur lui dans un faisceau irridescent et ce je-ne-sais-quoi (à prononcer avec l’accent anglais) qui ne serait accessible qu’à lui seul et qui s’appellerait l’inspiration.
Bien sûr, dans ma tête se dessine instantanément une couverture de roman Harlequin…

Alors, ça fait quoi d’être dans ma tête ? Hahaha !
Vous avez vu la poche du monsieur ? Il va bientôt dégainer son gros téléphone pour pouvoir fixer le moment et le poster sur Instagram #zutjaioubliémespinceaux #quelanatureestbelle #topcreativity #espritlibreetsauvage #intense
On a donc en tête une belle image de l’artiste, bien kitsch, mais qui ne correspond hélas en rien à la réalité. En tout cas, pas à celle que je connais (parce que je suis certaine que sur Terre, il y a bien un ou deux artistes qui ressemblent à Mr Harlequin, évidemment !).
🎞️ J’insère ici une recommandation ciné : si vous avez envie de voir un petit film très chouette qui parle justement de l’image de l’artiste peintre cliché (pour résumer très fort), je vous conseille fortement “Paint” avec Owen Wilson qui était visible sur Prime il y a encore peu et qui doit toujours y être.
Alors, la créativité, c’est quoi ? L’inspiration, d’où ça vient ? Nom d’un petit bonhomme en mousse, tu vas nous le dire ? (m’invectivez-vous soudainement, impatients de savoir où je veux en venir)
Je crois personnellement en l’équilibre, comme pour toute chose dans la vie d’ailleurs. Tout comme on est constitué principalement d’eau en étant pourtant solides (bien qu’un peu mous sur les bords), tout comme on vit des moments archi pourris (doux euphémisme) et des moments absolument géniaux, tout comme on a besoin de froid et de chaleur pour que la nature se régénère, eh bien la créativité ne peut exister qu’en équilibrant contraintes et liberté.
Si on nous donne un sujet (= un problème à résoudre avec des contraintes), il sera toujours plus facile de trouver une réponse (= de créer = liberté) que si on avait carte blanche.
Et si on nous donnait carte blanche (aïe ! trop de liberté d’un coup ! il faut équilibrer), alors on pourrait s’imposer un cadre (aaaaaaah, un peu de contraintes pour balancer, ouf ! sauvés !) et la solution s’imposerait d’elle-même.
La créativité s’invite à chaque instant de nos vies :
qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire à manger ce soir ? (= problématique) Voyons ce qui reste dans le frigo (= contrainte). J’improvise un plat. Paf : créativité !
flute, j’ai pas le temps de me laver les cheveux et je dois sortir (= problématique) : casquette ou queue de cheval ? (= contrainte) Paf : créativité !
je dois réaménager mon emploi du temps pour pouvoir caser une nouvelle activité (= problématique). Je sors une feuille et un crayon et j’essaye toutes les possibilités (= contrainte). Paf : créativité !
Et je pourrais continuer cette liste pendant des heures, parce qu’en vérité, toute notre vie n’est faite que de micro-décisions et de giga-décisions et que la seule façon d’y répondre, c’est de faire preuve de créativité.
Alors, j’entends déjà les protestations…
💡 Ouais, mais la vraie créativité, c’est quand t’as des idées géniales !
Alors oui, avoir des idées géniales, c’est… génial. Mais même si on peut en avoir quelques unes de temps à autre, c’est tout de même pas l’essentiel des idées qui nous tombent dessus, même quand on est parfaitement entraînés ! Pour avoir UNE idée géniale, il faut avoir déjà PAS MAL d’idées pourries, banales ou juste bonnes.
L’essentiel est donc de produire des idées, un maximum, quoi qu’il arrive !
C’est là qu’intervient l’entraînement. S’entraîner à la créativité, c’est pour moi la meilleure idée du monde. Oui, rien que ça. Y a sûrement d’autres idées encore meilleures, hein, mais pour moi, c’est celle-ci la mieux, voilà.
“Mais comment donc qu’on s’entraîne ?” me direz-vous, bande de petits curieux.
Déjà, la première bonne nouvelle, c’est que personne ne part de zéro. Comme je vous l’ai expliqué, on est tous de grands créatifs. À chaque décision prise, c’est une occasion laissée à notre créativité de s’exprimer.
La deuxième bonne nouvelle, c’est que plus on s’entraîne à être créatif, plus on trouve de façons de s’entraîner à être créatif ! Haha ! Eh oui !
Enfin, la troisième bonne nouvelle, c’est que s’entraîner à être créatif, c’est jouer ! Plus on s’amuse, plus ça marche !
Voici quelques pistes pour commencer votre entraînement (à réaliser à n’importe quel moment de la journée, le plus souvent possible, tout le temps) :
observez le monde autour de vous et créez des connexions entre des choses qui n’ont pas de liens, comme par exemple, à l’instant, j’ai sous les yeux une statuette de rhinocéros et ma gourde. Alors j’imagine les liens possibles : une gourde en forme de rhinocéros, une giga gourde pour rhinocéros, mais là je réalise que ça ne serait pas facile pour le rhino de boire à la gourde sans pouces opposables, alors je réfléchis à un système qui fonctionnerait, peut-être des mini-gourdes qu’on accrocherait aux cous des oiseaux qui viennent se poser dans la bouche des rhinos et qui leur donneraient à boire. Un oiseau-gourde, ça serait trop cool, nan ?
trouvez des noms aux choses qui n’en ont pas encore (et rebaptisez les autres !) : ce nouveau plat qu’on a inventé ce soir en improvisant avec ce qu’il y avait dans le frigo, faut bien lui trouver un nom ! Y avait du riz dedans ? On part de là et on cherche à haute voix, c’est plus marrant, et on peut faire jouer toute la famille ou les copains et/ou le chat (bien que celui-ci ait des idées relativement obsessionnelles qui peuvent un peu trop souvent se résumer à “miaou”). Riz-ra-bien-qui-rira-le-dernier, Miaou Miaou, Riz-paille, Riz-chard Curry, le Riz-gal du soir… Vous voyez l’idée 😉
prenez des photos à travers des trucs : en mettant vos lunettes devant l’objectif, en mettant un verre devant l’objectif, un saladier, un kaléïdoscope…
si un mot sympa apparaît dans une conversation, sur un mur, dans une série, notez-le et faites-en quelque chose : ça peut être un poème, un message sur les réseaux sociaux, le départ d’une idée de dessin, un exposé à l’école, une blague, un roman ! Et même : rien. Ce mot peut rester dans ce carnet : quelle richesse d’avoir un carnet de mots précieux ! Ca peut être une mine d’or d’inspiration ! 😊
En gros, vous le voyez bien, être créatif, c’est pas forcément être capable d’innover à toute heure. Il suffit d’être observateur. Rien ne se perd, rien ne se crée, n’est-ce pas ? La créativité, c’est exactement tout pareil : on part de quelque chose de disponible, là maintenant, et on l’emmène ailleurs, en suivant ses propres cheminements de pensées. Et comme on est tous absolument uniques, c’est là que la magie opère, et qu’on produira tous un résultat différent face à une problématique donnée ✨
Pour illustrer cette idée, je fais un clin d’oeil à mes copains du groupe de dessin One Week Drawing dont je vous ai déjà parlé (si vous voulez en être et venir vous amuser à dessiner avec nous, écrivez-moi et je vous enverrai une invitation) avec qui on a testé les exercices des dernières Groovy Letters et ça a donné des trucs vraiment coolax !
Par exemple, pendant une de nos sessions live du lundi à 18h30, on a tiré au hasard 2 mots dans 2 livres différents et on est tombé sur “habit” et “lumière”. On a ensuite dessiné pendant une heure, chacun suivant la piste que ça lui inspirait et à la fin, on a été pas mal émerveillés par les dessins des uns et des autres :
Carrément fabuleux comme 2 mots tous simples nous ont menés chacun vers une piste ultra différente et pourtant complètement cohérente. Qu’importe le sujet, finalement, ce qui compte, c’est les idées que ça génère !
Si vous voulez suivre les comptes Instagram de ces super créatifs, voici les liens à cliquer : @xavierchaquet @c.precausta @tartinedejuste
🦸♀️ La créativité, c’est un super-pouvoir (et vous savez ce qu’implique un super pouvoir !)
Je pense que quand on prend conscience de sa créativité, alors on hérite d’une super responsabilité : celle de changer un peu le monde. À sa propre échelle, bien sûr, tout près de soi, et aussi petit que ça nous paraisse, c’est déjà beaucoup !
Le rôle de l’artiste, c’est ça, pour moi. Être sensible au présent, à un niveau de perception ultra développée (il faut être curieux de tout, réceptif au maximum de choses possibles, être capable d’en tirer des synthèses) et puis tenter de faire de son mieux pour transmettre, ré-enchanter, transformer ce qui doit l’être pour faire un monde plus juste, plus fun, plus rempli d’amour et de respect.
⭐ Avec un peu de créativité, on peut rendre le quotidien plus léger, s’amuser d’un rien, admirer tout ce qui nous entoure avec passion, transmettre ce qu’on sait aux autres, partager des bons moments… et tant d’autres choses : tout est à inventer au fur et à mesure, rien n’est figé. ⭐
🎧 Aujourd’hui, on écoute : Elis Regina
Elis Regina, c’est une voix de velours magnifique de simplicité et de justesse. Je pense que vous l’avez déjà entendue sans peut-être le savoir, puisque c’est elle qui chante “Aguas de março” (“Les Eaux de Mars”) avec Antonio Carlos Jobim, le compositeur de cette chanson qui sera reprise un bon million de fois partout dans le monde et en France, notamment par Moustaki.
Je ne vous avais pas encore raconté que j’avais un gros faible pour la musique brésilienne, alors voilà, je vous le dis tout de go comme ça d’un coup, d’un seul. Y aura donc de la Bossa Nova de temps en temps dans cette newsletter 🎵
Donc pour en revenir à Elis, personnellement je l’ai rencontrée sur l’album “Poema de Amor” (que je ne vous fais pas l’affront de traduire, hihi !). Il s’avère que c’est son deuxième album, le premier ayant été une commande en rapport avec son job en tant que chanteuse pour une émission jeunesse.
Sur “Poema de Amor”, il y a des perles, des merveilles orchestrées à l’ancienne (forcément : on est en 1962) avec un big band. Le son est chaleureux à souhait. Le morceau d’ouverture “Poema” offre des parties de violons à avoir envie de se renverser dans les bras de son partenaire de danse en remerciant l’Univers d’être en vie pour expérimenter une aussi belle émotion.
Ma chanson préférée de l’album, c’est “Saudade é recordar” dont je rêve de faire une reprise un de ces jours. Et l’autre chanson que je vous conseille, c’est “As Secretarias” qui est un chacha à la gloire des secrétaires et des dactylos. Un petit bonbon qui fait sourire à tous les coups.
Elis a eu une immense carrière au Brésil et dans le Monde entier. En plus de ça, elle était activement engagée contre le régime militaire qui sévissait au Brésil : elle s’est battue, elle a été emprisonnée. À 36 ans, elle est morte d’un mauvais cocktail d’alcool, drogues et médicaments. Elle a malgré tout trouvé le temps de vivre des histoires d’Amour, de faire 3 enfants et surtout de nous laisser plein d’albums dont “Elis & Tom” avec Antonio Carlos Jobim qui est considéré comme un des plus beaux albums de Bossa de tous les temps (avis que je ne partage pas tout à fait, mais quand même !).
Fun fact, j’ai découvert sur internet qu’il y avait une statue d’elle à Porto Alegre. Elle qui était si belle, on ne peut pas dire que le sculpteur José Pereira Passos lui ait vraiment rendu hommage. Cependant, il a soigné le socle 😄 puisqu’il est précisé que “la statue repose sur un socle en granit qui ressemble à un disque vinyle, orné d'étoiles en métal”. Je vous laisse chercher sur internet, si vous avez envie de voir l’ampleur des dégâts.
🚀 Songs Discovery, épisodes 3 à 5
Bref résumé pour ceux qui auraient loupé les premiers épisodes : sur Instagram, les lundis à 14h en story (et dans la soirée en post sur mon profil) je présente un lettrage que j’ai dessiné sur un extrait de chanson pour vous faire découvrir ladite chanson qui se retrouve sur une playlist YouTube qui s’étoffe donc de semaine en semaine.
Episode 3 : “Right Now” de Billy Preston, le clavier des Beatles sur “Let it Be” !
Episode 4 : “Boomerang” de Brewer & Shipley, un peu plus folk que d’habitude.
Episode 5 : “Memphis Train” de Buddy Miles, ultra groovy. Chanson qui m’a fait remarquer que j’avais énormément de chansons préférées qui parlaient de train, Rien que dans ce projet, sur 5 chansons, c’est déjà la deuxième, haha !
Créons, jouons !
Et pour finir, on ne se quitte pas sans une idée créative à explorer :
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📻 Quelle est ta chanson préférée du moment ? Ecoute bien le texte ou inspire-toi de la musique
🖼️ et fais-en un dessin !
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N’hésite pas à m’envoyer le résultat de ton exploration !
Merci de m’avoir lue !
Je me réjouis de vous retrouver bientôt, ici ou là, pour de nouvelles aventures créatives !
N’hésitez pas à me répondre : c’est chouette les correspondances, ça sent les vacances 😊🍹
Céline ⭐
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*Le Sérif (ou empattement) est une ligne ajoutée à chaque extrémité des caractères. Son origine est inconnue. Une théorie suggère que les empattements proviendraient de la trace laissée par l’outil (plume, pinceau, etc.) lorsque la main s’élève en achevant le geste d’écriture. Les copistes ont ensuite différencié leur style personnel en structurant ces marques, qui sont devenues plus petites, plus systématiques et artistiques. (définition donnée par Adobe dans “La typographie pour les débutants”). En gros, le serif, c’est ce qui donne toute la personnalité à une lettre, quoi !
J'adore la couverture de ton livre XD elle est parfaite !
Je me souviens d'une prof d'art plastique à l'IUFM qui nous disait : " si vous donnez comme consigne de dessiner un arbre, les dessins que vous obtiendrez seront stéréotypés, sans vie. Si vous précisez que l'arbre est triste, dansant, chantant, apeuré... Là vous obtiendrez un dessin avec une valeur artistique. " Et les ateliers d'écriture sont également basés sur ce principe : contraindre pour ouvrir la porte de la création.